Alcyone

« Je n'avais jamais entendu prononcer leurs noms. Aucune histoire des anciens n'en avait fait mention par le passé. Leur existence nous était inconnue, et il aurait dû en rester ainsi si seulement les choses s'étaient passées différemment... Mais nul ici-bas ne peut prétendre avoir connaissance de l'avenir. Car il est incertain, changeant, capricieux. Et nous, nous ne pouvons que subir son courroux quand il en décide ainsi. Ce fut le cas. Désormais, bien peu d'entre nous peuvent en témoigner car nombreux sont ceux laissés derrière. Les quatre clans ne sont plus. L'Ancien Monde est perdu.

Mes souvenirs de cette nuit sont flous et brumeux. Je me rappelle avoir admiré un ciel d'encre où trônait fièrement la lune dans une mer d'étoiles. Cela laissait présager une nuit calme et paisible. Je me trompais. Une lueur zébra le ciel à vive allure. Une seconde suivit, puis encore une autre. Et en quelques instants, c'était par centaines qu'elles filaient au loin. C'est alors qu'une intense lumière embrasa le ciel. La nuit devint plus rayonnante que le jour. Je ne percevais plus rien tant cela m'éblouit. La panique me gagna. Que se passait-il ? Rendu aveugle par tant de clarté, je tentais de fuir vers les miens. Mon cœur cognait dans ma poitrine mais je n'y prêtais aucune attention. Un grondement assourdissant retentit. Le sol se mit à trembler, et je manquais à plusieurs reprises de trébucher. J'eu l'impression que les entrailles de la Terre implosaient. J'entendais les hurlements des miens mêlés au son de l'implacable destruction. Car c'était de cela qu'il s'agissait. La fin du monde. Je me souviens avoir alors admis que je vivais probablement mes derniers instants. Et tout ce que je souhaitais maintenant, c'était de les passer auprès de ceux qui m'étaient chers. Formulant ce vœu au fond de mon cœur, comme une ultime faveur, je me hâtais de les rejoindre. Mais je fus brusquement stoppé dans ma course folle quand j'éprouvai comme une décharge me traverser le corps de part en part. Je me sentis mourir, avec comme seule compagne une infinie tristesse à la pensée que mon dernier souhait ne me serait pas accordé. 

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Mais le destin est plein d'ironie. Il en avait décidé autrement, et finalement je repris connaissance. Mais quelque chose avait changé. Quelque chose clochait. Encore sous le choc et l'esprit vaseux, je peinais à rassembler ce qui me restait de lucidité. Jetant un regard aux alentours, je ne vis nul trace du chaos que j'avais pris pour mon tombeau. Où étais-je ? Je crus un court instant que je devais être mort et que tout ceci n'était qu'une vision chimérique de l'autre côté. Mais non. Une brise douce aux senteurs du printemps vint me prouver le contraire. Où que je sois, ma seule certitude était que j'étais en vie. Comment ? Pourquoi ? Je n'en savais rien. Mais je ne tardai pas à découvrir que je n'étais pas le seul. J'aperçus tout autour de moi d'autres loups. Certains étaient encore inconscients, alors que d'autres déambulaient déjà comme des âmes errantes. C'est là qu'une pensée me vint. Nous avions été sauvés. Par qui ? Le clan des Etoiles ? Il n'en avait pas le pouvoir. A qui devions-nous alors ce miracle ? Et c'est là que je les vis pour la première fois. Je n'oublierai jamais cette vision... Dans un halo d'une lumière forte mais étrangement nullement aveuglante, six silhouettes se dessinèrent. Je peinais à bien les percevoir mais j'avais la certitude qu'elles avaient une forme lupine. Pourtant, ce qui attira mon regard était tout autre. C'étaient leurs iris, d'une clarté déstabilisante. Chacun avait une couleur unique. J'eu la désagréable sensation que leurs prunelles pouvaient voir jusqu'à mon âme tant elles me captivaient. Je ne parvenais pas à détourner les yeux. Je sus à cet instant ce qu'il en était. Nous leur devions la vie, bien que nous ignorions encore qui ils étaient. Nous étions tous plein d'interrogations et pourtant aucun n'osa prendre la parole. Ce moment qui ne fut que très bref me parut durer une éternité. Ces loups n'étaient pas comme nous. Ils étaient des Divinités et nous avions été recueillis dans leur monde, Alcyone, qui nous apparut comme la promesse d'une seconde chance... Il n'appartenait qu'à nous de la saisir désormais. »